25 juillet 2020 CARMEN FEVILIYE Convergences francophones, Société 0
Jean-Jacques Angoundou, chargé d'Affaires a.i. à la Délégation Permanente du Congo auprès de l'Unesco
En l’absence de monsieur Henri Ossébi, ambassadeur, délégué permanent du Congo auprès de l’Unesco, le chargé d’Affaires a.i. à la délégation permanente du Congo auprès de l’organisation internationale a reçu AAFC pour évoquer le souvenir de Jean-Marie Adoua, ancien ambassadeur, délégué permanent du Congo auprès de l’Unesco, disparu dans la nuit du 3 au 4 juillet alors qu’il occupait la fonction d’ambassadeur plénipotentiaire du Congo en Afrique du sud, depuis 2017.
Entretien recueilli par Carmen FEVILIYE / @FeeFeviliye
AAFC : Quel a été votre rôle auprès de l’ambassadeur Jean-Marie Adoua ?
Jean-Jacques Angoundou : J’ai toujours été son Premier conseiller, c’est-à-dire, son adjoint. C’est lui qui m’a accueilli à ma prise de fonction à l’Unesco, qui m’a montré tous les rouages et mécanismes de l’Unesco. En gros, c’était mon maître, mon père adoptif, mon protecteur.
AAFC : Vous le décrivez comme votre maître, votre père adoptif et votre protecteur. C’est très fort…
Jean-Jacques Angoundou : Je dirais que la délégation permanente du Congo auprès de l’Unesco se souviendra longtemps de l’ambassadeur Jean-Marie Adoua comme d’un homme pétri d’expérience et de culture, qui a marqué l’Unesco, en particulier le Groupe Afrique, par la justesse de ses analyses et un dévouement exceptionnel à l’Organisation.
Lors de la célébration à Paris du 53è anniversaire de l'indépendance du Congo @adiac-congo.com
AAFC : Comment a-t-il marqué le Groupe Afrique qu’il a d’ailleurs présidé?
Jean-Jacques Angoundou : Par sa grande capacité de négociation. Il a su réconcilier les contradictions. Il l’a fait lorsqu’il était président de la commission des relations affaires Etrangères du conseil Exécutif, fonction qu’il a assumée pendant 2 ans et lorsqu’il a présidé le Groupe Afrique pendant 1 mandat et demi, une année pour le Congo et la demi-année en intérim de l’ambassadeur du Cameroun qui avait été nommé ministre des affaires Etrangères dans son pays. D’ailleurs, les diplomates disent de ses mandats qu’ils ont été exceptionnels. Il a su donner entière satisfaction à son pays et au Groupe Afrique.
AAFC : Un hommage par l’Unesco ?
Jean-Jacques Angoundou : Un hommage lui a été rendu par l’Unesco le 10 juillet lors de la clôture de la 209è session du Conseil Exécutif. Un hommage qui nous a profondément touché à la fois par sa portée symbolique et par sa forte résilience. Le tout en souvenir d’un homme qui, durant les 9 années – il a passé 9 ans – de son sacerdoce à l’Unesco, a su par sa modestie, son dévouement et son sens aigu de la négociation, donné le meilleur de lui-même.
AAFC : Vous dites qu’il avait un sens aigu de la négociation. Qu’avait-il réussi à négocier particulièrement ?
Jean-Jacques Angoundou : Disons qu’un grand nombre de projets que l’Unesco a eu à exécuter avec le Congo ont été négociés par feu S.E.M. Jean-Marie Adoua ! Il y’a beaucoup de choses que je ne peux vous dire en si peu de temps. Par exemple, en matière d’éducation, il a négocié le projet CFIT, avec la Chine, qui a permis la formation aux NTIC de 3000 enseignants du primaire et du secondaire. Il y’a aussi le projet de la création de la 1ére station radio dédiée aux jeunes et animée par les jeunes de Brazzaville, dans lequel il s’était vraiment investi. Ce projet avait pour objectif d’offrir à la jeunesse congolaise un espace d’expression et d’interaction entre les pairs sur les sujets thématiques ayant trait à la lutte contre la radicalisation et l’extrémisme violent en milieu jeune.
Jean-Marie Adoua a marqué l’Unesco, en particulier le Groupe Afrique, par la justesse de ses analyses et un dévouement exceptionnel à l’Organisation.
Il s’est aussi investi dans le projet « Appui à l’élaboration des offres de cours et formations des enseignants de l’Institut supérieur et de l’information et de la communication au Congo ».
En culture, dans le domaine du patrimoine mondial, il a négocié le projet d’appui à la sauvegarde et à la mise en valeur du patrimoine matériel et culturel congolais. Je n’oublie pas qu’il a aussi négocié un projet d’appui à l’édition d’un catalogue illustré sur la céramique congolaise dans le cadre de la promotion de la créativité et des industries culturelles congolaises. Jean-Marie Adoua a donné au pays ce que le pays attendait de lui. Il a su assurer la visibilité du Congo à l’Unesco.
Jean-Marie Adoua entouré d’artistes Africaines lors d’une Semaine Africaine à l’Unesco@Unesco
AAFC : Qu’en est-il de son implication sur les questions environnementales ?
Jean-Jacques Angoundou : A propos de l’environnement, Il a fait avancer le projet du parc national Nouabalé-Ndoki au sein de l’Unesco. Il a aussi fait connaître le projet Fonds bleu du président de la République Denis Sassou Nguesso au sein de l’Unesco, lorsque celui-ci était encore embryonnaire. Il a su en parler et cela a été favorablement accueilli. Son Excellence Henri Ossébi, l’actuel ambassadeur, a continué avec brio, ce travail de promotion.
AAFC : Quel a été son parcours avant l’Unesco à Paris ?
Jean-Jacques Angoundou : Jean-Marie Adoua a eu une longue carrière d’enseignant. Il a enseigné l’anglais et le français au collège, puis il a passé son doctorat et est devenu par la suite enseignant en linguistique à l’université Marien Ngouabi. Il a été nommé secrétaire général de la Commission Nationale Congolaise pour l’Unesco, une fonction qu’il a exercée pendant 21 années, de 1987 à 2008.
Il a notamment fait connaître le projet Fonds bleu auprès de l’Unesco, lorsque ce projet était encore embryonnaire
C’est pendant ce mandat qu’il a commencé à manifester ses talents de diplomate, d’homme attaché à la paix, selon les idéaux de l’Unesco auxquels il a adhéré toute sa vie. C’était au départ un enseignant qui a fait son chemin, qui a progressé et qui est devenu Secrétaire général de l’Unesco et enfin ambassadeur, délégué permanent du Congo auprès de l’Unesco. Après Paris, il avait été nommé ambassadeur plénipotentiaire du Congo en Afrique du sud où il a terminé sa carrière.
AAFC : Etiez-vous resté en contact avec lui ?
Jean-Jacques Angoundou : Nous étions constamment en communication jusqu’à une semaine avant sa mort. On s’échangeait des mails, des textos, des messages WhatsApp. Je sais qu’il a fait du bon travail, c’était un fin diplomate et son expérience à l’Unesco a dû certainement l’aider dans l’accomplissement de sa tâche en Afrique du sud. Et puis c’était une personne qui avait une bonne maîtrise de la langue anglaise, il était donc parfaitement dans son affaire !
Jean-Marie Adoua et Rodolphe Adada, actuel ambassadeur plénipotentiaire du Congo en France @adiac-congo.com
AAFC : Comment l’actuel ambassadeur, monsieur Henri Ossébi, a-t-il reçu la nouvelle de la disparition de son prédécesseur ?
Jean-Jacques Angoundou : Monsieur Ossébi lui a rendu un grand hommage. En raison de son absence de Paris indépendamment de sa volonté, il m’a fait parvenir un mot de remerciement que j’ai lu, à l’endroit des membres du conseil Exécutif qui ont rendu un hommage très appuyé à Jean-Marie Adoua. Toujours à l’initiative de S.E.M. l’ambassadeur Henri Ossebi, la délégation permanente du Congo auprès de l’Unesco a fait parvenir à la famille du défunt sa contribution aux obsèques que l’ambassadeur Ossebi a été remettre en mains propres, au lieu de la veillée, comme c’est la tradition chez nous en Afrique. Dès la reprise des activités du Sous-groupe Afrique-centrale en septembre prochain, un autre hommage sera rendu aux deux éminentes figures qu’ont été Jean-Marie Adoua et le professeur Manda Kizadi de la République Démocratique du Congo.
Il a facilité à chacun de nous l’intégration et la bonne maîtrise des méthodes de travail au sein de l’Unesco
Pour nous, membres de la délégation permanente à l’Unesco, Jean-Marie Adoua était le père adoptif, le maître comme je l’ai dit plus haut. L’Unesco est une Organisation qui a ses propres méthodes de travail qu’on n’apprend pas à l’école. Il a facilité à chacun de nous, membres de ladite délégation, l’intégration et la bonne maîtrise des méthodes de travail au sein de l’Organisation. Quand je suis arrivé ici, je n’avais qu’une connaissance livresque de l’Unesco, mais pas ses méthodes de travail, au demeurant complexes. Feu S.E.M. Jean-Marie Adoua nous a ouvert tous les secrets de l’Organisation, et aujourd’hui rien ne peut m’échapper à l’Unesco. Et ça, quand vous venez d’arriver ici et que vous n’avez pas quelqu’un comme Adoua, vous pouvez passer cinq ans et repartir chez vous sans savoir réellement comment travailler à l’Unesco.
Jean-Marie Adoua travaillant dans son ancien bureau parisien à l’Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
AAFC : Vous vous sentez démuni sans lui ?
Jean-Jacques Angoundou : Je ne me sens plus ainsi parce qu’il m’a formé ! Il m’a formé pendant trois ans et demi. Grâce à ma petite expérience d’universitaire, j’ai vite appris et je me suis vite intégré dans le système. Vous comprendrez jusqu’à quel point notre chagrin est très immense. Tout le monde en est affecté, car on a tous bénéficié des enseignements, de la compagnie et des encouragements de Jean-Marie Adoua.
Jean-Marie Adoua et Irina Bokova à L’Unesco au siège de l’Unesco à Paris@ Unesco
AAFC : Il avait une relation particulière avec Irina Bokova, l’ancienne directrice générale de l’Unesco, comment cela s’est-il fait ?
Jean-Jacques Angoundou : Effectivement, c’était l’un des meilleurs amis d’Irina Bokova. C’est d’ailleurs grâce à lui que j’ai pu faire la connaissance d’Irina Bokova. C’était vraiment son ami personnel. Cela s’est fait parce que comme je l’ai dit, c’était un fin diplomate. C’était une personne qui approchait facilement les autres et qui était reconnu par son travail car ici on se rend visible par son travail, et non par sa forme ou ses atouts physiques. Quand on évoque une personne à l’Unesco, cela veut dire qu’elle travaille bien. Tout le monde connaissait Adoua par le travail bien fait et par ses talents de fin diplomate.
AAFC : Pensez-vous que le Congo a été visible grâce à son travail ?
Jean-Jacques Angoundou : Ah oui ! Oui ! Il a apporté une touche particulière à la visibilité du Congo au sein de l’Unesco. Le Congo a eu cette chance d’être représenté à l’Uneso par de brillants cadres. Avant lui, nous avons eu le défunt ambassadeur Antoine Ndinga Oba qui était ministre des affaires Etrangères, ministre de l’Education nationale avant de devenir Ambassadeur du Congo auprès de l’Unesco. C’est également une personne qui était pétrie d’expérience, qui connaissait l’Unesco et qui a aussi laissé son empreinte.
Jean-Marie Adoua a aussi laissé une très bonne impression du Congo. L’actuel ambassadeur, Henri Ossébi, est en train de perpétuer cette tradition de visibilisation du Congo auprès de l’Unesco. Il est très apprécié au sein du Groupe Afrique. Ses interventions sont toujours pertinentes et profondes. Le Congo choisit la bonne crème pour l’Unesco. Pour moi, c’est vraiment une bénédiction de travailler avec ces gens-là. Je n’ai pas travaillé avec le défunt Ndinga Oba, mais j’ai travaillé avec Jean-Marie Adoua et je travaille avec Henri Ossébi et c’est des gens formidables ! C’est vraiment une chance pour le Congo.
Il a apporté une touche particulière à la visibilité du Congo au sein de l’Unesco.
L'ambassadeur Jean-Marie Adoua après la célébration d'un mariage le 24 août 2019à Pretoria@AAFC
AAFC : Nous avons appris que la dépouille de Jean-Marie Adoua serait inhumée à Pretoria. Confirmez-vous cela ?
Jean-Jacques Angoundou : Il se pose un problème actuellement, pas seulement pour son cas particulier, mais de tous les corps des fonctionnaires Congolais qui sont morts pendant cette période où les frontières sont fermées. Je crois que l’enterrement aura lieu peut-être en Afrique du sud en attendant que les frontières s’ouvrent et que la dépouille soit rapatriée au Congo. Nous avons un ancien chef d’Etat qui est décédé en France mais dont le corps, je crois, n’est pas encore rapatrié parce qu’il n’y a pour le moment pas de vol officiel. C’est quand même des gens qui ont rendu d’énormes services au pays et on ne conçoit pas de les faire repartir en catimini. Cela demande un certain cérémonial. On attend que les frontières s’ouvrent, que les vols deviennent normaux et qu’on puisse procéder à tout cela.
AAFC : Et vous êtes actuellement le gardien de la maison…
Jean-Jacques Angoundou : Pour le moment, je suis le gardien de la maison. En l’absence de l’ambassadeur Henri Ossébi, je suis le chargé d’Affaires.