Loi Mouébara: le juriste et écrivain congolais, Richard Ossoma-Lesmois, salue la décision de la Cour constitutionnelle validant la loi
A peine entrée en vigueur, le 4 mai 2022, la loi Mouébara contre les violences faites aux femmes, subit déjà une saisine en inconstitutionnalité. Suivant les requêtes déposées respectivement le 20 mai et le 3 juin 2022 au Secrétariat général de la Cour constitutionnelle sous les n°CC-SC-006 et CC-SG-007, messieurs POATY Stevy Juvadel et NGAMBE Melphin demandent à la Cour principalement d’annuler la loi n°19-2022 du 4 mai 2022 portant lutte contre les violences faites aux femmes en République du Congo pour cause d’inconstitutionnalité du nom « MOUEBARA » dans son intitulé et, subsidiairement, de déclarer les articles 1 er à 23, et les articles 67, 68, 70, 71 et 72 contraires à la Constitution.
Sur la forme, le juriste et écrivain, Richard Ossoma-Lesmois, félicite les requérants pour cette action en faveur des libertés fondamentales et l’ancrage du Congo progressivement à la démocratie. Saisir la justice pour se prévaloir de ses droits d’appartenir à la communauté nationale augure d’un bel esprit patriotique. D’autant plus qu’en vertu de l’article 180 de la Constitution du 25 octobre 2015, « Tout particulier peut, soit directement, soit par la procédure de l’exception d’inconstitutionnalité invoquée devant une juridiction dans une affaire qui le concerne, saisir la Cour constitutionnelle sur la constitutionnalité des lois et des traités ».
Sur le fond, la Cour constitutionnelle valide l’ensemble des dispositions de la loi du 4 mai 2022 dans son arrêt rendu en date du 7 juin 2022. Le plus intéressant, le juge, constitutionnel, tout en rejetant les requêtes soumises à son examen, apporte davantage d’explications sur les éléments contenus dans la loi Mouébara, l’opportunité de cette loi et le pouvoir général d’appréciation du législateur à intituler ou dénommer les lois faisant l’objet d’approbation. Il s’en suit que la marche des femmes pour la conquête des droits nouveaux devient un processus irréversible en Afrique et au Congo-Brazzaville. Désormais, les femmes participent à édicter les règles communes nécessaires à bâtir un environnement sociétal digne en droits et en liberté, en sécurité.
Trois aspects retiennent l’attention : le premier concerne la dénomination « Mouébara » attribuée à la loi contre les violences faites aux femmes, promulguée le 4 mai 2022. Rejetant le motif invoqué par la requête en annulation, la Cour constitutionnelle considère que la reconnaissance de la nation prévue par les articles 225 et de 226 de la Constitution, concerne les anciens présidents des assemblées parlementaires, les anciens Premiers ministres et d’autres dirigeants politiques dont la loi détermine les modalités de reconnaissance par la nation. Par conséquent, la dénomination « Mouebara » est sans rapport d’équivalence avec les articles précités. Rappelant que l’article 225 dispose : « les anciens Présidents des Assemblées parlementaires et les anciens Premiers ministres, à l’exception de ceux qui ont été condamnée pour forfaiture, bénéficient de la reconnaissance de la Nation ».
De plus, en intitulant la loi Mouébara comme il a procédé, le Parlement ne viole pas l’article 1 er de la Constitution consacrant le caractère unitaire et laïc de la République. « La République du Congo est un État de droit, souverain, unitaire et indivisible, décentralisé, laïc et démocratique », établit l’article premier. Mais c’est à travers un « Considérant » particulier que la Cour constitutionnelle accepte la latitude du législateur à intituler les lois, sans préjudice des normes constitutionnelles : « Considérant d’ailleurs, que le requérant n’invoque, à l’appui de son grief, aucune norme constitutionnelle qui encadre le pouvoir général d’appréciation du législateur dans l’intitulé ou la désignation des lois et qui aurait été violée par ce dernier ».
La nature ou le caractère d’une loi ne peut être déduit de sa seule désignation nominative.
En l’espèce, la dénomination Mouébara revêt un caractère symbolique et mémoriel. Par conséquent, cette désignation est sans portée normative.
Concernant le deuxième aspect, la loi promulguée le 4 mai 2022 appelée Mouébara ne crée pas de discriminations entre les femmes, pas plus qu’elle ne stigmatise les hommes. Motivant sa décision, l’arrêt de la Cour constitutionnelle précise les articles 1 er et 7 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme de l’Organisation des Nations unies, Déclaration reprise dans le Préambule de la Constitution congolaise du 25 octobre 2015. En effet, l’article 1er dispose : « tous les hommes naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité ».
L’article 7 ajoute : « tous sont égaux devant la loi et ont droit sans distinction à une égale protection de la loi. Tous ont droit à une protection égale contre toute discrimination qui violerait la présente Déclaration et contre toute provocation à une telle discrimination ». La Cour constitutionnelle considère qu’au regard des textes sus - cités, le vocable « Loi MOUEBARA » n’est pas constitutif de droits au profit de madame Emilienne MOUEBARA.
De même que rien dans la loi incriminée n’indique que madame Emilienne MOUEBARA aurait été traitée différemment dans l’application des lois de la République. On peut certes, reprocher la course aux références mémorielles dans l’appellation de la loi querellée. Mais l’approche s’inscrit dans la doctrine générale du droit internationale visant à valoriser le rôle joué par les femmes dans l’histoire des peuples. Ainsi encourage-t-elle par exemple à baptiser les places et les voies publiques, des noms des femmes1.
Enfin, concernant le troisième aspect, la Cour constitutionnelle valide les dispositions attaquées de la loi du 4 mai 2022 dénommée Mouébara, en se référant à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatifs aux droits des femmes du 26 juin 1986 et au Protocole de Maputo du 11 juillet 2003. La République du Congo a ratifié la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes le 14 décembre 2011. Dans le même ordre, l’État congolais a signé la Protocole de Maputo le 11 juillet 2003. Il ressort du Paragraphe 12 du Préambule du Protocole de Maputo que les États africains ainsi que la République du Congo sont préoccupés par le fait qu’en dépit de la ratification par la majorité des États parties à la Charte africaines des droits de l’homme et des peuples et de tous les autres instruments juridiques internationaux relatifs aux droits de l’homme, et de l’engagement solennel pris par les États d’éliminer toutes les formes de discrimination et de pratiques néfastes des femmes, la femme en Afrique continue d’être l’objet des discriminations et de pratiques néfastes. Par la présente loi promulguée le 4 mai 2022, le législateur rend effectives, les prévisions de cet instrument relatif aux droits de la femme qui, d’ailleurs, fait partie intégrante de la Constitution. La Cour constitutionnelle signale, au sens de l’article 4.2 du Protocole de Maputo, les États s’engagent à prendre des mesures appropriées et effectives pour adopter et renforcer les lois interdisant toutes formes de violences envers les femmes. Il sied à bon droit au législateur d’adopter des lois qui répriment toutes les violences commises à l’égard des femmes.
S’adossant sur l’arrêt rendu par la Cour constitutionnelle le 7 juin 2002, l’écrivain et juriste, Richard Ossoma-Lesmois, fait noter que la République du Congo se hisse au deuxième rang des pays africains disposant d’une loi – cadre en matière de lutte contre les violences faites aux femmes, après l’Afrique du Sud. La loi Mouebara, en définissant les types de violences faites aux femmes et en en fixant les peines, complète la loi pénale et le code de procédure pénale quant à la répression des violences sur les personnes et en particulier, des violences commises à l’égard des femmes. L’orgue de la lutte des femmes au Congo-Brazzaville entonne un palier supplémentaire franchi dans la marche des femmes pour la conquête des droits nouveaux.
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1- Richard Ossoma-Lesmois, Maison de la femme Kintélé ; Orgue de la lutte des femmes au Congo-Brazzaville, éditions Muse 2021.